Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Comment mieux gérer nos déchets ?
Par Amélia Morghadi
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L’institut Eurostat estime, qu'un habitant de l’Union européenne produit chaque année 481 kg de déchets. Un chiffre en légère baisse, mais qui reflète une problématique bien réelle. Car que faire de ces déchets : faut-il les éliminer ou au contraire en tirer profit ? Doit-on repenser nos modes de consommation et changer notre perception de la richesse afin de limiter notre production de déchets ?
La tarification incitative pour Pierre Galio, de l’ADEME (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)
Pour Pierre Galio, chef du service consommation et prévention à la direction économie circulaire et déchets de l’ADEME, le système de tarification incitative pour les déchets ménager a fait ses preuves : « On a des réductions des ordures ménagères résiduelles, de près de 40 % et on augmente le taux de recyclables collectés ». Cette mesure permet l’application du principe « pollueur–payeur » pour chaque usager. Plus un résident produit de déchets, plus la facture sera élevée. La taxe relative à la collecte et à la gestion des déchets dépendra donc du comportement de l’utilisateur.
Selon l’ADEME, 5 millions de Français seraient déjà passés à ce mode de calcul. La loi sur la transition énergétique prévoit de l'étendre à 15 millions d'habitants en 2020 et 25 millions en 2025. « l’indicateur économique va pousser vers la réduction », une mesure drastique mais efficace pour Pierre Galio qui souligne que l’ADEME fait également un travail d’accompagnement des collectivités territoriales.
« Recycler mieux » pour Philippe Chalmin, économiste
Pour Philippe Chalmin, économiste et spécialiste des matières premières, il faut avant tout cesser de considérer les déchets comme un problème pour les voir comme une ressource. Le grand enjeu est donc, selon l’économiste, le recyclage.
« Il y a 4 milliards de tonnes de déchets ménagers, et nous en valorisons selon aux alentours d'1 milliard de tonnes. En partie par le recyclage et en partie par la valorisation énergétique, l’incinération ». Même s’il considère utopiste « une économie circulaire dans laquelle nous récupérerions éternellement la matière » pour la renouveler, il prêche une amélioration dans l’exploitation de ces déchets, indiquant même que dan certains cas, grâce au recyclage, on peut arriver à produire une empreinte carbone négative. Une bonne gestion des déchets serait par conséquent positive pour l’environnement.
Vers un changement de modèle ?
Il ne faut cependant pas oublier que le poids des déchets ménagers, d’un point de vue plus global, est assez réduit. Là où les ménages sont responsables de 8 ,5% des déchets en Europe, l’industrie du BTP (bâtiment et des travaux publics ) génère 32,6 % du volume total. L’industrie des mines et carrières l’industrie manufacturière produisent respectivement 29.2 % et 10% de la production de déchets européenne.
Alors ne faut-il pas plutôt changer le mode de fonctionnement de notre société en profondeur ?
« Repenser la nature de la richesse » pour Patrick Viveret, philosophe
Patrick Viveret, philosophe et partisan du « Buen Vivir » (le Bien Vivre), prône les idées de responsabilités partagées, et de distribution des richesses selon les nécessités.
« Nous avons une représentation de la richesse, uniquement financière et monétaire », souligne-t-il. Pour le philosophe, il est important d’adapter le concept d’indicateur de richesse afin d’y intégrer la notion de bonheur. Selon les statistiques de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) : « plus on est riche plus on jette » , une relation de cause à effet que déplore Patrick Viveret qui remet en cause « la nature de la richesse ».
Enfin, tout comme Pierre Rabhi, et son concept de sobriété heureuse, mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation, ainsi que les impacts qui en découlent, Patrick Viveret considère qu’il faut avant tout revenir aux essentiels.
« Il ne faut pas imposer notre modèle aux pays du Sud » pour Laura Chatel de « Zéro Waste France »
Comme le souligne Patrick Viveret, aujourd’hui c’est tout notre système qui doit être remis en question au niveau de la consommation et de la production des déchets.
Mais en plus il faut faire attention à ne pas imposer notre mode de fonctionnement à des pays qui n’ont pas les structures de gestion adaptées. « Aujourd’hui il y a tout autant de problèmes de gestion des déchets dans les pays du Sud, que dans les pays du Nord » dénonce Laura Chatel, chargée de plaidoyer pour « Zéro Waste France », une association de protection de l'environnement qui milite pour la réduction et une gestion plus durable des déchets.
La transposition de notre modèle de consommation (notamment au niveau de tous les produits emballés, et des bouteilles en plastique) sur des pays qui n’ont pas les moyens de recycler entraîne des situations sanitaires alarmantes, comme par exemple « des décharges à ciel ouvert ».
Elle milite donc pour repenser les modèles de développement en tenant compte des impacts futurs entraînés par la consommation de masse : poser des bases plus saines pour un meilleur développement.
Retrouvez notre débat « Trier ses déchets pour sauver la planète ? » dans l'émission Un monde en Docs, présentée par Nora Hamadi, en replay sur notre site internet.
Livres pour aller plus loin :
- « La cause humaine, du bon usage de la fin d’un monde » de Patric Viveret, éditions les liens qui libèrent, 2012
- « Le scénario zéro waste » de Zéro Waste France, éditions Rue de l’échiquier, janvier 2017
- « Famille presque zéro déchet », de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret. Thierry Souccar Éditions, mars 2016
- « Zéro Déchets », de Béa Johnson, ed. Les arènes, 2013
- « La société malade de l’hyperconsommation », de Philippe Moati, ed. odile Jacob, mai 2016
- « Utopies réelles » d’Erik Olin WRIGHT, éditions La découverte, août 2017
- « Homo detritus », de Baptiste Monsaingeon, éditions Seuil, mai 2017
- « Utopies réalistes », de Rutger Bregman, ed. Seuil, août 2017